A la lisière de la forêt d'Argonne, vivait jadis un homme solitaire qu'aucun habitant du village ne connaissait vraiment. On l'avait bien vu au marché, à vendre des produits d'une qualité irréprochable. Mais l'homme, qu'on avait nommé Augustin Letimide, ne s'aventurait jamais dans les tavernes du village et ne s'arrêtait guère dans les rues pour bavarder. Nul besoin de préciser qu'il suscitait interrogations et mystère auprès des comères du village.
Les comérages disaient de lui qu'il aurait perdu la voix lors du décès de son épouse lorsqu'elle enfanta de leur premier enfant. La jeune femme était une femme belle et séduisante, dont il était éperduement amoureux. Le choc de cette perte fut tel qu'il en perdit la parole. Depuis ce jour, jamais on n'entendit le son de sa voix.
L'enfant qui naquit de cette tragédie a grandi seul avec son père. Bien que muet, ce dernier décida de l'élever seul. Son mutisme ne l'empêcha pas de faire de son fils un homme vaillant et brave.
Lorsqu'Augustin décida de rejoindre son épouse, le jeune homme abandonna la maison de son père, désireux de voyages et d'aventures.
La propriété était restée intacte, malgré l'usure du temps. Un magnifique portail laissait entrevoir trois maisonnettes dans un vaste jardin. L'une d'elle semblait avoir été habitée. Les deux autres avaient probablement servi d'entrepôt ou d'atelier. Au centre du jardin, un chêne centenaire surplombait la propriété.